Le CPF et la portabilité des droits à la formation : Vers une flexibilité accrue pour les salariés

Dans un monde professionnel en constante évolution, la formation continue est devenue un enjeu majeur pour les salariés et les entreprises. Le Compte Personnel de Formation (CPF) et la portabilité des droits à la formation représentent des avancées significatives dans ce domaine, offrant aux travailleurs une plus grande autonomie et flexibilité dans la gestion de leur parcours professionnel. Découvrons ensemble les implications juridiques et pratiques de ces dispositifs novateurs.

Le Compte Personnel de Formation : un outil au service de l’évolution professionnelle

Le Compte Personnel de Formation (CPF) est un dispositif instauré par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Il permet à chaque actif, dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à sa retraite, de bénéficier d’un compte crédité en euros pour financer des formations qualifiantes ou certifiantes. Selon les données de la Caisse des Dépôts et Consignations, au 31 décembre 2022, plus de 38 millions de comptes CPF étaient ouverts, témoignant de l’importance de ce dispositif.

Le CPF présente plusieurs avantages majeurs :

1. Autonomie : Le titulaire du compte est libre de choisir les formations qu’il souhaite suivre, sans nécessairement obtenir l’accord de son employeur.

2. Universalité : Le CPF s’adresse à tous les actifs, qu’ils soient salariés, demandeurs d’emploi ou travailleurs indépendants.

3. Pérennité : Les droits acquis sont conservés tout au long de la vie professionnelle, même en cas de changement d’employeur ou de période de chômage.

Comme l’a souligné Maître Sophie Pelicier-Loevenbruck, avocate spécialisée en droit social : « Le CPF représente une véritable révolution dans le domaine de la formation professionnelle, en plaçant l’individu au cœur du dispositif et en lui donnant les moyens d’être acteur de son évolution professionnelle. »

La portabilité des droits à la formation : un gage de flexibilité

La portabilité des droits à la formation est un principe qui découle directement de la mise en place du CPF. Elle garantit que les droits acquis par un salarié en matière de formation sont conservés et transférables d’un emploi à l’autre, voire pendant les périodes de chômage. Cette portabilité s’inscrit dans une logique de sécurisation des parcours professionnels et de flexibilité du marché du travail.

Concrètement, la portabilité des droits à la formation se traduit par :

1. La conservation des heures de DIF (Droit Individuel à la Formation) acquises avant 2015, qui ont été intégrées au CPF.

2. Le maintien du solde du CPF lors d’un changement d’employeur ou de statut professionnel.

3. La possibilité d’utiliser ses droits à la formation pendant une période de chômage pour favoriser le retour à l’emploi.

Selon une étude menée par le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) en 2021, 65% des salariés ayant changé d’employeur au cours des trois dernières années ont pu bénéficier de leurs droits à la formation acquis précédemment, illustrant ainsi l’efficacité de ce principe de portabilité.

Les implications juridiques de la portabilité des droits à la formation

La portabilité des droits à la formation soulève plusieurs questions juridiques que les professionnels du droit doivent prendre en compte :

1. Responsabilité de l’employeur : Bien que le salarié soit autonome dans l’utilisation de son CPF, l’employeur conserve une obligation d’adaptation du salarié à son poste de travail et de maintien de son employabilité. Maître Jean-François Cesaro, professeur de droit à l’Université Panthéon-Assas, précise : « L’existence du CPF ne décharge pas l’employeur de ses obligations en matière de formation professionnelle. Il doit continuer à veiller à l’adaptation des salariés à leur poste de travail et à leur capacité à occuper un emploi. »

2. Protection des données personnelles : La gestion du CPF implique le traitement de données personnelles relatives à la formation et au parcours professionnel des individus. Les employeurs et les organismes de formation doivent donc se conformer aux exigences du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).

3. Contentieux potentiels : La portabilité des droits peut donner lieu à des litiges, notamment en cas de désaccord sur le solde du CPF lors d’un changement d’employeur ou sur l’éligibilité d’une formation. Les tribunaux commencent à se prononcer sur ces questions, créant progressivement une jurisprudence en la matière.

Les enjeux futurs du CPF et de la portabilité des droits à la formation

Le CPF et la portabilité des droits à la formation sont appelés à évoluer pour répondre aux défis du monde du travail de demain. Plusieurs pistes de réflexion se dégagent :

1. Renforcement de l’accompagnement : Malgré l’autonomie offerte par le CPF, de nombreux actifs peinent à s’orienter dans l’offre de formation. Un accompagnement renforcé, notamment par le biais du Conseil en Évolution Professionnelle (CEP), pourrait être développé.

2. Élargissement du champ des formations éligibles : Face à l’émergence de nouveaux métiers et compétences, le catalogue des formations éligibles au CPF pourrait être étendu pour inclure des formations plus innovantes ou spécifiques.

3. Articulation avec d’autres dispositifs : La réflexion porte sur une meilleure articulation du CPF avec d’autres dispositifs de formation, comme le plan de développement des compétences de l’entreprise ou la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE).

4. Lutte contre la fraude : Face à l’augmentation des cas de fraude au CPF, des mesures de sécurisation du dispositif sont à l’étude, comme le renforcement des contrôles sur les organismes de formation ou la mise en place d’une double authentification pour l’utilisation du compte.

Maître Françoise Favennec-Héry, professeure émérite à l’Université Panthéon-Assas, souligne : « L’enjeu majeur pour l’avenir du CPF et de la portabilité des droits à la formation sera de trouver le juste équilibre entre la liberté individuelle dans le choix des formations et la nécessité d’orienter ces choix vers les besoins du marché du travail. »

Le CPF et la portabilité des droits à la formation constituent des avancées majeures dans le domaine de la formation professionnelle, offrant aux actifs une plus grande maîtrise de leur parcours professionnel. Ces dispositifs, en constante évolution, soulèvent des questions juridiques complexes et nécessitent une vigilance particulière de la part des employeurs, des salariés et des professionnels du droit. Leur développement futur devra prendre en compte les mutations du monde du travail tout en préservant l’esprit initial de ces outils : l’autonomie et la responsabilisation des individus dans la gestion de leurs compétences.