Le portage salarial est une solution d’emploi innovante et flexible qui séduit de plus en plus de professionnels, notamment dans le domaine du conseil, de la formation ou de l’informatique. Cependant, cette pratique reste encore méconnue et son cadre juridique est en constante évolution. Dans cet article, nous vous proposons de faire le point sur les principales dispositions législatives et réglementaires encadrant le portage salarial.
Le portage salarial : définition et principes fondamentaux
Le portage salarial est un dispositif permettant à un travailleur indépendant (le « porté ») d’exercer son activité professionnelle tout en bénéficiant des avantages sociaux liés au statut de salarié. Concrètement, le porté conclut un contrat avec une entreprise de portage salarial (EPS), qui se charge ensuite de facturer les prestations réalisées auprès des clients. L’EPS reverse ensuite au porté une rémunération sous forme de salaire, après avoir déduit les charges sociales et les frais de gestion.
Ce système repose sur trois acteurs principaux : le porté, l’entreprise de portage salarial et le client. Le porté est à la fois responsable de la réalisation des missions auprès des clients et tenu par les obligations inhérentes au statut de salarié (notamment en matière de respect du temps de travail et de discipline). L’EPS assure quant à elle la gestion administrative, comptable et sociale du porté, tout en garantissant le respect des droits sociaux et des conditions de travail. Le client, enfin, est le donneur d’ordre qui fait appel aux services du porté via l’EPS.
Un cadre juridique progressivement renforcé
Si le portage salarial trouve ses origines dans les années 1980 en France, ce n’est qu’en 2008 que ce dispositif a été véritablement reconnu par le législateur avec la loi de modernisation du marché du travail. Cette loi a notamment instauré un principe d’égalité de traitement entre les portés et les autres salariés, ainsi que l’obligation pour les EPS d’adhérer à un syndicat professionnel représentatif.
Cette première reconnaissance législative a été suivie par une série d’accords nationaux interprofessionnels (ANI) visant à encadrer plus précisément le portage salarial. L’ANI du 24 juin 2010, étendu par arrêté ministériel en 2013, est ainsi venu définir les principales caractéristiques du portage salarial et poser des règles en matière de rémunération minimale, d’indemnités d’apporteur d’affaires ou encore de formation professionnelle. Cette avancée a été complétée par l’ANI du 21 mars 2014, qui a notamment clarifié les modalités de la relation tripartite entre le porté, l’EPS et le client, ainsi que les obligations respectives des différents acteurs.
La loi du 8 août 2016 : une étape décisive pour la sécurisation du portage salarial
La loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi El Khomri », a marqué une étape décisive dans l’encadrement juridique du portage salarial en France. Parmi les principales mesures adoptées figurent :
- La définition légale du portage salarial, désormais inscrite à l’article L. 1254-1 du Code du travail ;
- L’encadrement des conditions d’exercice de l’activité de portage salarial, avec notamment la mise en place d’un agrément préfectoral pour les EPS et la garantie d’une rémunération minimale pour les portés ;
- L’instauration d’un contrat de prestation de portage salarial, conclu entre le porté et l’EPS, qui précise les modalités de réalisation des missions et les conditions financières ;
- La clarification des modalités de négociation collective applicables au secteur du portage salarial, avec notamment la possibilité pour les partenaires sociaux de conclure des accords spécifiques ;
Le décret du 28 avril 2017 : un encadrement réglementaire précisé et harmonisé
En complément de la loi du 8 août 2016, le décret n° 2017-633 est venu préciser et harmoniser plusieurs aspects du cadre réglementaire applicable au portage salarial. Ce texte apporte notamment des précisions sur :
- Les conditions d’accès à l’activité de portage salarial, avec notamment l’obligation pour les EPS d’être immatriculées au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au répertoire des métiers (RM) ;
- Les garanties financières exigées des EPS, destinées à assurer la protection des droits des portés en cas de défaillance de l’entreprise ;
- Le montant minimal de la rémunération mensuelle versée aux portés, fixé à 2 900 euros bruts pour une activité à temps plein ;
- Les modalités de calcul et de versement des indemnités d’apporteur d’affaires, ainsi que les conditions d’accès à la formation professionnelle pour les portés.
Au-delà de ces dispositions réglementaires, il convient également de souligner que le portage salarial est soumis aux règles générales du droit du travail et notamment aux dispositions relatives aux congés payés, au repos hebdomadaire ou encore à la durée légale du travail.
Vers un avenir encore plus sécurisé pour le portage salarial ?
Au regard de ces évolutions législatives et réglementaires successives, force est de constater que le cadre juridique du portage salarial s’est considérablement renforcé ces dernières années. Cette sécurisation accrue a contribué à légitimer et à professionnaliser ce dispositif, qui offre désormais une alternative crédible et attractive aux modes d’emploi traditionnels.
Néanmoins, il est encore trop tôt pour dire si cette dynamique se poursuivra dans les prochaines années, d’autant plus que certaines questions demeurent en suspens. Ainsi, le portage salarial pourrait-il être étendu à de nouveaux secteurs d’activité ? Quelles seront les conséquences de la réforme du code du travail sur les relations entre portés, EPS et clients ? Autant de défis qui attendent les acteurs du portage salarial, mais qui témoignent également de l’énergie et de l’innovation dont ils sont capables.